mardi 21 octobre 2014

Nantes, Martin Winckler, des grains de sable... mais pas que






-        Madame, vous avez oublié votre sac
-        Merci Monsieur, vous venez de sauver ma vie
-       -Ce n’est qu’un prêté pour un rendu
-       - ……
Le monsieur qui vient de parler m’a tendu mon sac. Nous descendons de l’autobus tandis qu’il répond à ma muette interrogation :

-       Je suis un ancien grand bègue, j’ai bégayé pendant 20 ans, beau voyage.

Et il s’en alla rejoindre l’aérogare.

Et là, le temps s’arrêta. Des secondes s’égrénèrent dans un assourdissant vacarme (t’as vu l’oxymore, là ??) . Le voyageur, tel un Efrit, disparut aussi vite qu’il était apparu et je retombai de mon nuage assez maladroitement en tentant vainement d’assembler les éléments chronologiques.
Ce que je fis après le « WAOUH, collectif » émis par les 4 orthophonistes présentes. ( parce que franchement, c’est un beau moment de vie non ?)
Nous revenions du 26ème congrès scientifique de la Fédération Nationale des Orthophonistes à Nantes. Dans la navette qui roulait vers l’aéroport, j’avais discuté avec une orthophoniste des communications que nous avions entendues et en particulier du bégaiement. Ensuite, ma légendaire étourderie a fait le reste et l’équilibre cosmique la suite.
Cependant, je ne crois pas au hasard. Je crois aux coïncidences, aux chemins qui se croisent, aux choix que nous faisons mais pas au hasard. Alors après avoir apprécié à sa juste valeur ce moment d’humanité, j’ai repensé aux interventions que j’avais écoutées pendant tout ce congrès et à Martin Winckler.
Parce qu’à Nantes, oui, j’ai écouté Martin Winckler et que, comme d’autres j’ai retracé au crayon noir  son dessin sur le carnet-qui-ne-me-quitte-pas et que depuis je regarde ce dessin ,( rangé avec l’hymne des femmes, hein !) , et je me demande si je suis toujours, (en tout cas assez souvent), capable d’envoyer la corde à la bonne personne et au bon moment. Et souvent ce n’est plus une corde mais bien un filet. Un filet arachnéen, de ceux qui sont assez fins pour ne pas blesser mais assez solides pour ne pas rompre. Ceux dont on entoure le/la patient-e mais aussi sa famille, ses ami-e-s. Parce que le/la patient-e ne vit pas seul-e, n’est pas une entité extra-terrestre, mais bien un-e être humain-e comme moi. Sauf que moi, je suis supposée avoir le « savoir-faire » et le « savoir-être » susceptibles de l’aider ; (On exclut ceux/celles qui se plantent et cherchent l’orthopédiste, l’infirmière ou l’ornithologue).
Donc oui je me suis posé ces questions, une nouvelle fois.
Comme à chaque prise en charge.
Et le dimanche soir, cette bulle irréelle qui vient se poser. 
Cet instant rare du témoignage d’un patient à des professionnels.

Alors je n’ai pas sauvé la vie de ce monsieur, mais quelque part dans cette partie du monde, un-e ou plusieurs collègues l’ont fait. Et c’est juste incroyable. Parce que ça signifie que Martin Winckler était le bien venu à Nantes car ses grains de sable ont de grandes chances de se transformer en petits cailloux qui nous serviront à retrouver notre chemin.



2 commentaires:

  1. Et les petits grains de sable font les grandes plages dorées...
    Et si les propos de Martin Winckler résonnent si fort en nous, c'est parce qu'on a la place pour les accueillir !
    (non, j'ai pas dit qu'on a la tête vide, c'était un compliment, mais je me rends compte que ça ne passe pas si bien, après coup... Tant pis je le laisse !)

    Il n'y a pas plus de rencontres au hasard que de sac oublié sans lien cosmique. Na.

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    1. je suis d'accord. J'ai très envie d'écrire sur la place, sur toutes ces facettes....
      sinon c'est amusant qu'on ait publié quasi au mm moment sur ce moment :-)

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